ANCIENT AND MODERN BOOKS, PRECIOUS MANUSCRIPTS 1478-1977

MERCREDI 14 FÉVRIER, en association avec Pierre Bergé & Associés
Experts : Benoît Forgeot, Ghislaine et Jacques T. Quentin
DROUOT RICHELIEU, salle 7
Une collection atypique de livres et de manuscrits précieux sera proposée aux enchères par la maison Binoche et Giquello, en association avec la maison Pierre Bergé & Associés.
C’est une véritable leçon de choses que délivrent les 166 ouvrages pluridisciplinaires réunis dans cette bibliothèque : les reliures remarquables, les curiosités typographiques et les manuscrits décorés qui composent cet ensemble illustrent l’étendue des métamorphoses des livres du XVe au XXe siècle.
Cette vente, estimée entre 1M€ et 1,4M€, offre une occasion rare de découvrir le livre dans tous ses états.
La vente débutera avec deux précieux ouvrages de la Renaissance.

Une édition parisienne du XVIe siècle de la célèbre Histoire romaine de Tite Live (64 av. J.-C . - 17 ap. J.-C.) exécutée par Michel Vascosan (v. 1500-1577) d’après la commande de Giovanni Grimaldi (1524-1612).
Ce dernier, riche banquier d’une famille de patriciens génois, fut accueilli au sein d’une académie littéraire à Rome, à 20 ans. Una libbraria finitade de 200 volumes fut conçue pour lui selon les canons de l’humanisme le plus raffiné : maroquin olive ou brun pour les livres en latin, rouge pour les langues vernaculaires.
Pour cet ouvrage, une somptueuse reliure fut réalisée à Rome par Niccolò Franzese (Nicolas Fery, natif de Reims), l’un des plus grands relieurs de la Renaissance. Au centre des plats, sous forme de médaillon ovale, une composition allégorique figure Apollon conduisant le char du soleil jusqu'au sommet du Parnasse, d'où surgit Pégase.
Provenance : Lord Gosford ; Sir Thomas Brooke, avec ex-libris héraldique ; Edouard Rahir ; Cortlandt F. Bishop.
Estimation : 100 000 / 150 000 €

Le premier volume de l’encyclopédie historique La Mer des Histoires, qui retrace les événements légendaires et historiques depuis la création du monde.
Cet ouvrage est l’un des livres illustrés les plus célèbres de la Renaissance en France. Il renferme cent cinquatnte-neuf bois gravés, dont cinquante-deux planches gravées à pleine page et deux planches doubles pour la carte du Monde et celle de la Palestine.
Ce récit profane, rédigé en français, est garni d’une reliure dite « à la grecque », une technique byzantine comptant parmi les plus belles reliures de la Renaissance. Exécutée vers 1555-1560 dans l’atelier parisien du relieur du roi, très probablement par Claude Picques (v. 1510-1574/78), celle-ci est proche de la reliure du De Revolutionibus de Copernic aux armes d’Henri II (d'après la typologie des grands décors de la bibliothèque royale de Fontainebleau), conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Provenance : Ex-libris manuscrit « Pasch. Delalande 1637 » ; Charles de Castellan, abbé commenditaire de l'abbaye de Saint-Epvre de Toul, mort en 1677, avec ses armes dorées sur chacun des plats ; Jean-Nicolas Beaupré, conseiller à la cour impériale de Nancy, avec grand ex-libris gravé ; Édouard Rahir, avec ex-libris ; Docteur Lucien-Graux, avec ex-libris.
Estimation : 80 000 / 120 000 €

Enfin, parmi les reliures les plus étonnantes réunies dans ce corpus, sera présentée une édition singulière du roman Le Feu (Journal d’une escouade) écrit par Henri Barbusse. Ce journal, tenu par l’auteur engagé volontaire pendant la Grande Guerre, en 1914, remporta le prix Goncourt en 1916 et fut un succès de libraire. « Pour la première fois, il exposait la barbarie d'une guerre atroce sans entretenir d'illusion lyrique » dit Henri Mitterand.
La reliure de cet exemplaire original, datant de 1916, a été recouverte de la culotte bleue, percée par un éclat d’obus, de Georges G. Lang, sous-lieutenant au 22e bataillon des chasseurs alpins.
Estimation : 2 000 / 3 000 € 
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Collection d'un bibliophile livres & manuscrits précieux
1478-1977
mercredi 14 février 2018 14:30
Salle 7-Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot 75009 Paris
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À l’exemple de Magritte, on serait tenté d’inscrire en tête du catalogue : Ceci n’est pas une
bibliothèque, tant la démarche primesautière et l’appétence pour l’inattendu y règnent en maîtres.
Expression d’un rapport singulier au livre, cette collection est peut-être moins celle d’un bibliophile
– le terme forgé au XVIIIe siècle par le président de Brosses semble parfois un peu émoussé – que
celle d’un amateur, qui l’a ordonnée hors des pratiques convenues, selon une inclination très vive
pour la Curiosité, entendue dans son acception ancienne. Cette logique repose sur une éthique,
ou du moins un système de valeurs affranchi aussi bien des modes couleur du temps, que des
spéculations du marché. Ainsi le collectionneur s’inscrit-il dans la lignée du groupe d’amateurs
connus sous le nom de “Curieux” qui, à la fin du XVIIe siècle, avaient frayé la voie, renouvelant
les codes de la bibliophilie.
En filigrane de chacun des 166 livres et manuscrits embrassant cinq siècles, on perçoit plus qu’un
style : un regard. “Ce ne sont pas les perles qui font le collier, mais le fil” : la boutade des frères
Goncourt y gagne une nouvelle illustration pertinente. Ce fil, aussi ténu et infrangible qu’un fil
de soie, dénote un oeil expert : en l’espèce, son autorité, fondée sur cinq décennies de pratique, est
étayée par la conjonction d’un goût et d’une sensualité propres. Or, l’oeil du collectionneur éclairé
se manifeste notamment par le sens du détail : comment ne pas se souvenir que cette aptitude
à scruter un exemplaire fut incarnée au plus haut par un diamantaire, Raphaël Esmerian, et par
Maurice Goudeket, courtier en perles ? Pour le reste, pas de doctrine, foin des classiques et un art
du livre tel l’Art de la fugue, laquelle chez le Cantor n’est destinée à aucun instrument particulier.
D’où la délicate entreprise que celle de dresser ce “catalogue raisonné d’une jolie collection”,
comme on disait du temps de Charles Nodier, sans en trahir les enjeux multiples : prétendre en
composer le florilège reviendrait à en reproduire la liste entière.
La reliure occupe ici une place privilégiée. Elle enserre le plus souvent un texte, n’ayant pas été choisie
pour elle-même, mais comme compagne d’un livre. Les spécimens élus, tantôt spectaculaires,
tantôt modestes, dessinent un panorama grand angle de son histoire sans frontières, de même
qu’ils rendent attentifs à des particularités matérielles riches d’enseignements et de découvertes :
décors d’un type singulier, marques de libraires apposées sur les plats et non répertoriées, matériaux
inusités (porcelaine, papier mâché, bois ou ivoire sculptés…), broderie, orfèvrerie, sans omettre
quelques pièces de la Renaissance à son apogée, dont les arabesques relèvent d’un art décoratif à
part entière. Pour s’en tenir à une perspective cavalière sur la floraison des créations, les noms de
Claude Picques, Niccoló Franzese, Boyet, Le Gascon, Padeloup ou Derome brillent d’un éclat
particulier. La période moderne n’est pas en reste, quand défilent des oeuvres signées d’artistes
décorateurs qui ont renouvelé et porté à son sommet la reliure de création : Josef Hoffmann,
Pierre Legrain, Rose Adler, Victor Prouvé, Schmied, Séguy, Guino, Lucienne Thalheimer, Jean
de Gonet.
La collection n’est pas moins remarquable pour ce qui est de l’art typographique et du jeu de la
lettre – imprimée, gravée ou calligraphiée – ou des supports mêmes : papiers marbrés, peau de
vélin, papiers végétaux, soie tissée…
L’ordre chronologique du catalogue dévoile en ses deux extrêmes une correspondance subtile :
l’incunable en reliure monastique issue de l’abbaye de Clairvaux exhibe une couture du dos
apparente, technique qui sera retrouvée et réinterprétée, cinq siècles plus tard, par Jean de Gonet.
Ainsi, par leur “sobriété ostentatoire”, les créations contemporaines entrent-elles en résonance avec
l’un des canons de l’art cistercien.
“Curioser and curioser ! ”, s’exclame Alice, au pays des merveilles."