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2500000 € frais compris Lundi 21 mars 2011 Grande divinité assise Culture Maya, Région du Rio Bec ? ou Chenes, Mexique Période Classique, 550 à 950 après J.-C. Stuc polychrome H. 156,5 cm Une statue monumentale de culte Maya. « Haute de 156 cm, cette sculpture en stuc polychrome sur noyau de pierre est un exemple jusqu'ici unique de la statuaire provenant de la civilisation maya. C'est la plus grande statue en pied que l'on connaisse chez les Mayas. L'oeuvre représente un personnage assis. Il devait occuper un trône qui a disparu. Le torse haut et droit supporte une tête coiffée d'un couvre-chef plat qui forme une sorte de turban de couleur bleue. Le visage est caché sous un masque aux traits terrifiants. Les yeux présentent de larges orbites en renfoncement ; le nez s'apparente aux appendices saillants des divinités de type chac ; la bouche large et grande ouverte, où des dents (incisives et canines) font saillie, laisse jaillir à droite et à gauche, des éléments serpentiformes qui épousent le contour des maxillaires. Les oreilles très schématisées et rectangulaires sont percées d'un trou dans lequel devaient être fixées des parures. Le personnage porte une sorte de cotte verte, rembourrée de coton - comme les décrivent les récits des Conquistadores à propos des guerriers mexicains. La main droite, levée, tient une hache de guerre à manche de bois dans lequel s'insère une lame de silex ocre. Le bras droit replié sur la poitrine est recouvert d'un petit bouclier circulaire bleu sur lequel se détache une bande horizontale héraldique de couleur orange. Sur son pourtour sont disposés huit denticules saillants qui devaient symboliser le rayonnement solaire. Le disque central présente des vestiges de motifs décoratifs formés de lignes claires sinueuses. La taille du personnage est serrée dans une large ceinture bleue, avec, sur le devant, une bande de tissu également bleu qui recouvre un pagne pourvu de franges épaisses. Les cuisses restent nues, alors que les jambes sont entourées jusqu'aux genoux de gros rubans bruns, lacés, qui sont reliés aux sandales à la manière des cothurnes antiques. L'ensemble forme une effigie hiératique, frontale et symétrique - à l'exception du bras droit levé qui tient la hache emblématique et du gauche portant le bouclier au niveau du coeur. Cette grande statue, dont la provenance est inconnue, pourrait être originaire de la région situé entre le sud du Yucatan et le nord du Bélize et du Guatemala, dans un territoire où les fouilles scientifique ne font que débuter. C'est dans cette province formée par les styles Rio Bec et Chenes qu'on peut localiser cette oeuvre encore trop isolée pour la ranger dans une école stylistique connue. En effet, le recours au stuc, qui apparaît dans la région de Palenque pour des frises ou des hauts reliefs ornant les cresteria, ne comporte pas d'exemple pour la grande statuaire en ronde-bosse. Mais il est plausible que les images du culte (dont on connaît un bel exemple en pierre - hélas brisé ! - à Yaxchilan, occupant la salle centrale de la Structure 33) aient été traitées dans ce matériau, avec noyau de pierre qui en forme l'armature. Toutefois le caractère périssable du stuc laisse supposer que l'oeuvre ne nous est parvenue que grâce à des conditions exceptionnelles, qui permirent en outre la conservation de sa polychromie. Divers traits relèvent de formes connues : ainsi, les deux appendices serpentiformes qui sortent de la bouche sont propres à nombre de représentations mayas. C'est le cas pour la grande sculpture appareillée ornant l'échiffre des escaliers de la tribune des Spectateurs au Palais de Copan. Cette oeuvre célèbre qui figure un porteur de flambeau est souvent identifiée avec la divinité de la tempête. Il s'agit d'une création datant de 762. Elle montre en effet deux serpents sortant des commissures des lèvres d'un personnage effrayant à large gueule pourvue de dents saillantes. On retrouve le même motif sur plusieurs masques à effigie solaire, ornant des encensoirs ou brule-parfums provenant de Palenque et datant des VIIe- VIIIe siècles (Cf. L'Art Maya, par Henri Stierlin, Editions du Seuil, Paris, 1981, planches 62 et 107-109). Quant au petit bouclier circulaire du guerrier maya, il apparaît dans plus d'une sculpture : une statuette, en particulier, provenant de l'île de Jaina, montre un personnage portant une sorte de rondache, ornée d'un relief à emblème solaire, environné de rayon (Cf. L'Art précolombien, par Luis Aveleyra et Ramon Pina Chan, Edita, Lausanne, 1997, p. 291). D'autres exemples de statuettes de style Jaina figurant des porteurs de bouclier sont connus (Cf. Maya Treasures of an ancient civilization, The Albuquerque Museum, Harry Abrams inc. Publishers, New York, 1985, planche 90). De ce survol d'un exemple particulier de l'art monumental maya, il semble ressortir que l'on dispose, avec cette grande statue de stuc, d'une effigie rituelle représentant un dieu guerrier masqué et armé, dont la fonction serait analogue à celle des guerriers peints à la fresque sur les parois de l'édifice A de Cacaxtla (Tlaxcala), d'inspiration maya (Cf. L'Art Aztèque et ses origines, par Henri Stierlin, Editions du Seuil, Paris, 1982, planches 42-46). Pour dater cette oeuvre, probablement issue de la région des Etats de Campeche, Quintana Roo ou Bélize où se trouvent les sites de Kohunlich, Xpuhil, Kalacmul, Hochob ou Bolonchen, voire de Naachtun, au Guatemala, il faut rester prudent en raison de l'absence d'analogon, et évoquer une fourchette allant du VIe au VIIIe siècle de notre ère, qui paraît assez vraisemblable. Cette statue relève d'un style qui opère la transition entre les oeuvres du Peten et celles de la péninsule du Yucatan. Par ses dimensions, par sa pose frontale et statique, elle doit représenter une divinité trônant au fond d'un sanctuaire, comme protecteur d'une cité maya. Un culte lui était destiné, qui associait les symboles solaires aux emblèmes de la tempête (hache de guerre analogue au foudre). L'aspect guerrier joue un rôle majeur dans les conflits entre cités, par le moyen desquels les Mayas se procuraient des prisonniers destinés aux sacrifices. Le caractère composite des divinités mayas, que traduisent des symboles multiples, est fréquent : il ne s'oppose nullement à une interprétation fondée sur divers paramètres du panthéon des Mésoaméricains. En résumé, cette statue unique constitue un important jalon dans l'art maya classique final, voire classique tardif. Son exceptionnel état de conservation - malgré diverses restaurations habilement effectuées - en fait une pièce importante de l'héritage précolombien. » Henri Stierlin Cette statue monumentale était présentée par la galerie Mermoz en 1986 dans le cadre de la XIIIe Biennale des Antiquaires à Paris. Prov. : Galerie Alfred Stendhal, Los Angeles. Expédiée pour Mr Alphons Jax, le 30 juin 1976 à Anvers. Galerie Mermoz, Paris, 1986. Biblio. : L'Art Précolombien, Olmèque, Maya, Aztèque, Lausanne, 1997, p. 278. The Maya, Henri Stierlin, Taschen, 1997, p. 103. Mexique, Terre des Dieux, Musée Rath, Genève, 1998-1999, p. 213, fig. 233. L'oeil, n°454, septembre 1993, p. 25 et couverture du magazine illustrant un article de Mr Henri Stierlin, historien de l'art. Artpassions, Genève, n° 13/08, mars 2008, Collection H.Law, p. 30. Expo.: Mexique, Terre des Dieux, Genève, 1998.